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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

fumeuse jette sa sinistre lumière dont la lueur blafarde rougit la muraille comme d’une teinte de sang.

Harthing n’a pu vaincre le dégoût que lui inspire la brutalité sauvage de son complice ; il a détourné la tête et relève Marie-Louise évanouie. Puis il saisit ce fardeau si léger à ses bras et se dirige vers la porte, quand il remarque Dent-de-Loup qui se prépare à scalper aussi Bienville.

— Laisse-le donc mourir en paix, dit-il au sauvage.

L’homme des bois ne répond que par un grognement sourd et appuie la pointe de son couteau sur la tête de François, tandis qu’un hideux sourire crispe ses lèvres.

En ce moment le ciel semble s’illuminer au dehors, et plusieurs fortes détonations font trembler la maison, pendant que de rauques rugissements déchirent le voile de silence qui plane sur la ville.

— Voilà que l’amiral fait feu sur la place ! s’écrie Harthing. Il n’y a pas une seconde à perdre ! Allons ! vite ! ouvre la porte, Dent-de-Loup, et, lorsque je serai sorti avec la jeune fille, allume la mèche du baril et suis-moi !

Le sauvage lui lance un regard haineux ; et pourtant, laissant là Bienville qu’il allait scalper, il obéit à l’ordre du lieutenant.

Mais à peine la porte est-elle entr’ouverte qu’un bruissement de pas et de voix se fait entendre dans la côte de la basse ville.

Tandis que l’Anglais se précipite au dehors avec Marie-Louise, le sauvage, qui entend les pas se rapprocher rapidement, pousse le baril de poudre jusqu’à la porte, mais au-dedans du seuil, afin de pouvoir s’esquiver plus vite. Puis, saisissant la chandelle allumée, il en met la flamme en contact