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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

quand nous nous séparâmes là-bas, tel vous me revoyez encore.

— Eh bien ! monsieur Harthing, sachez aussi que mes dispositions à votre égard n’ont pas plus changé que les vôtres, repart la jeune fille à qui la gravité de la situation rend en partie l’énergie que la seule surprise lui avait enlevée.

— Ô Marie-Louise ! ne vous hâtez pas de vous perdre en me perdant aussi ! s’écrie Harthing qui s’avance avec un geste moitié suppliant et moitié menaçant.

— Vous oubliez, je crois, monsieur, qu’outre l’inconvenance de vous introduire chez moi à pareille heure, il y a lâcheté de votre part à menacer une femme seule et sans défense !

— Mademoiselle, le temps presse et ne doit pas être perdu en vaines déclamations ! Je vous aime, vous le savez ; et pour vous posséder, l’enfer serait-il béant devant moi, que j’y sauterais à pieds joints, pourvu que je pusse rouler avec toi dans l’abîme en te serrant sur mon cœur ! Tu vois donc que cet amour est un sûr garant de ton bonheur, si tu consens à partager mon sort… Marie-Louise d’Orsy, voulez-vous être ma femme ?

— Plutôt mourir ! répond la jeune fille indignée.

— Alors, mademoiselle, je suis forcé, bien qu’à regret, de vous annoncer qu’il va falloir me suivre de gré ou de force !

— Monstre ! je te méprise autant que je te hais !

Et belle comme Junon courroucée, la fille du baron d’Orsy foudroie l’Anglais du regard.

Harthing fait un pas… Mais au même instant la fenêtre s’ouvre avec une violence extrême, et quelqu’un