Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/179

Cette page a été validée par deux contributeurs.
182
FRANÇOIS DE BIENVILLE.

charpente craquant sous le poids des murs de la maison, un vieux meuble qui semble s’étirer et se plaindre d’un trop long service, font passer par tout son corps de fiévreux frissons.

Cet effroi semble augmenter encore lorqu’une rafale de vent s’en vient ranimer les cendres chaudes de la cheminée, et jeter, en faisant vaciller les meubles, une lueur passagère sur la pénombre qui règne dans la grande salle.

La jeune fille n’ose faire un mouvement et retient son haleine dont le seul bruit l’effraie.

Soudain ses yeux qui se sont arrêtés machinalement sur la fenêtre de la cuisine, s’y fixent avec terreur. Il lui semble que cette fenêtre est agitée par secousses, comme si on la forçait du dehors.

— Je suis folle ! dit-elle pour se rassurer.

Tout à-coup deux hommes bondissent à l’intérieur et referment derrière eux la croisée qu’ils ont ouverte avec fracas.

C’est Harthing, c’est Dent-de-Loup dont la figure bizarrement tatouée lui est une fois apparue hideuse comme celle d’un génie malfaisant et avant-coureur de l’infortune.

L’Anglais s’avance vers le siège où la jeune fille est clouée par la stupeur, tandis que Dent-de-Loup reste dans l’ombre.

— Ne vous avais-je pas dit « au revoir, » mademoiselle, lors de notre entrevue à Boston, fait Harthing en s’inclinant d’un air railleur.

Comme Marie-Louise terrifiée ne peut rien répondre, Harthing continue, mais d’un ton plus sérieux :

— C’est que, voyez-vous, mes sentiments sont de ceux que l’absence ne saurait tuer. Ainsi, tel j’étais