Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.
181
FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Alors la jeune fille se mit à regarder avec inquiétude vers cette fenêtre de la cuisine, où l’apparition de la figure hideuse de Dent-de-Loup l’avait effrayée quelques jours auparavant.

Sans être tout à fait noire, la nuit n’était cependant éclairée que par la seule lumière des étoiles. Aussi Mlle d’Orsy ne pouvait-elle voir bien loin au dehors ; mais elle espérait entendre au moins les pas de son frère… et de son fiancé.

Enfin, elle revint s’asseoir dans cette chambre où nous l’avons vue pour la première fois avec Bienville, et au même endroit qu’elle occupait alors.

Une humble chandelle de suif éclairait faiblement la chambre. La lumière rougeâtre et triste qu’elle jetait et le champignon, qui semblait dormir au milieu de la flamme fumeuse de la bougie, attestaient qu’on négligeait de s’occuper de ces détails. C’est que Marie-Louise était en proie à une préoccupation trop grande pour y prêter attention. Quant à Marthe, elle s’était affaissée dans une chaise à bascule et à dos élevé, où, toute recoquillée, la pauvre vieille avait fini par succomber au sommeil si facile à cet âge. Mais elle paraissait encore agitée des émotions de la journée ; car un frisson nerveux passait, de temps à autre, sur ses membres débiles, et ses lèvres laissaient tomber d’incohérentes paroles.

Laissée seule à son inquiétude, énervée déjà par les graves événements des jours précédents, et partant prédisposée à se laisser aller à ces craintes si naturelles à son sexe, Marie-Louise sent un malaise étrange la gagner peu à peu.

Elle tressaille au moindre bruit : une vitre que le vent fait battre sur les châssis, un grillon qui chante en remuant les cendres du foyer, une poutre de la