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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

feuilles sèches foulées par ses genoux et par ceux du lieutenant, et le craquetis des racines sous leurs nerveuses étreintes, attiraient l’attention du factionnaire. Mais soit que ce dernier fût inattentif ou que ces bruits vagues se perdissent dans la forte brise qui se jouait sur les feuilles et les branches mortes, soit même que Dent-de-Loup se fût trompé, Harthing et lui tournèrent ce dangereux obstacle, sans que leur passage eût été remarqué.

Lorsqu’ils redescendirent dans la rue, à cent pas en deçà de la barricade, Harthing s’arrêta un moment pour respirer et s’adressant à son compagnon :

— Eh bien ! que pense le chef de son frère au visage pâle ? Croit-il que je puisse marcher avec un peau-rouge dans le sentier de la guerre ?

— Le visage pâle est en effet brave et agile ; mais qu’il me dise donc comment il s’y serait pris pour apporter jusqu’ici ce baril et ces liens ?

Harthing ne put retenir une légère exclamation de surprise. Car outre un paquet de cordes que Dent-de-Loup avait apporté de son canot, il ne s’était pas un moment départi du barillet que nous lui avons vu sous le bras à son départ du camp des Anglais. Et pourtant il n’avait fallu rien moins que l’audace et l’indomptable force de caractère et de muscles du lieutenant pour escalader, avec ses mains libres, les flancs escarpés du cap.

— Mais comment ferons-nous pour amener l’autre avec nous ? demanda t-il à Dent-de-Loup.

— Ce fardeau sera doux et léger aux épaules du chef.

— Avançons donc.

Vingt pas les rapprochèrent de l’endroit par où nous avons déjà vu le sauvage escalader le cap et