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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Ils atteignirent la rivière en dix minutes de marche.

Là, Dent-de-Loup s’orienta et se mit à ramper comme un reptile vers un rocher sis à cinquante pas de distance. Il fut satisfait de cette exploration, car il revint bientôt vers Harthing et lui fit signe de le suivre.

Quand ils arrivèrent au rocher, l’Anglais vit un canot d’écorce que le sauvage avait caché dans une anfractuosité du roc. Ils prirent alors sur leur dos la légère pirogue et marchèrent vers l’eau du Saint-Charles, que la marée montante refoulait depuis deux heures dans l’embouchure de la rivière. Mais ils avançaient lentement, car leurs pieds s’enfonçaient à chaque pas dans le terrain mouvant et vaseux que le flux des eaux du fleuve détrempe deux fois le jour.

Enfin la pirogue est mise à flot, et armés chacun d’un aviron, Harthing et Dent-de-Loup rament vigoureusement vers Québec. Bientôt ils abordent sur une plage de sable que les hautes marées chassaient alors jusque sur le sol, aujourd’hui plus ou moins desséché, que les nombreux piétons de la rue Saint-Pierre foulent maintenant de leurs pas affairés.

Ils se glissent ensuite en tapinois au pied du cap, après avoir mis leur canot hors des atteintes de la marée montante. Mais ils n’ont pas fait trente pas, que Dent-de-Loup saisit son compagnon par le poignet et le force à s’arrêter.

C’est qu’on avait opéré des changements depuis le dernier passage de Dent-de-Loup en cet endroit ; car M. de Frontenac avait fait établir une barricade à l’entrée de la rue Sault-au-Matelot, afin de prévenir une descente des ennemis sur ce point. Les trente hommes qui gardaient ce poste avaient converti en