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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

— Mon frère croit-il, par hasard, que je veuille le tromper ?

Le Chat-Rusé ne répondit pas.

— Alors, fit Harthing en s’arrêtant, le chef est libre d’abandonner un ami, s’il est le jouet d’un tel soupçon.

— Les hommes blancs sont prompts comme la balle de leurs mousquets, dit le sauvage. Non, le désir du chef n’est pas de trahir un frère avec lequel il a fumé le calumet du conseil. Mais il voudrait bien savoir s’il pourra travailler bientôt à l’accomplissement de ses propres projets ; ce dont son frère blanc a su le détourner jusqu’à ce jour.

Harthing craignant de se fermer tout accès dans la ville, avait en effet défendu jusqu’alors à Dent-de-Loup de donner cours à ses idées de vengeance.

— Si j’ai jusqu’à présent agi de la sorte, répondit Harthing refoulant en lui toute la mauvaise humeur que lui causaient les trop justes plaintes de l’Iroquois, c’est que j’ai voulu rendre plus sure la vengeance que nous désirons exercer tous deux sur nos ennemis.

— Le pauvre homme des bois ne saurait comprendre ces belles paroles.

— Eh bien ! que mon frère écoute et il se convaincra de ma sincérité à son égard. N’est-ce pas bien commencer à se venger des français que d’enlever la jeune fille pâle ? N’y a-t-il pas deux hommes qui pleureront des larmes de sang lorsque la jeune fille aura disparu ? Sans compter qu’elle même…

Dent de-Loup sembla convenir tacitement de cette assertion ; car il se rapprocha du lieutenant et parut attendre avec le plus vif intérêt ce que celui-ci allait ajouter.

— Mais pour faire réussir ce premier plan, continua