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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

À peine eut-il franchît le seuil et refermé la porte de l’habitation, qu’un homme surgit devant lui ; c’était Dent-de-Loup.

Le lieutenant s’attendait à cette apparition, car il dit au sauvage.

— C’est bien ! suis-moi.

L’autre, qui portait un petit baril sous son bras gauche, emboîta le pas derrière Harthing.

Ils marchèrent ainsi pendant un quart-d’heure, sans rien dire autre chose qu’une courte réponse au qui-vive des sentinelles. Lorsqu’ils eurent laissé derrière eux le dernier factionnaire, placé en enfant perdu à quelque distance du camp, Dent-de-Loup prit le premier la parole.

— Mon frère pâle ne se souvient plus, dit-il à Harthing, que nous avons fumé tous deux le calumet du conseil dans son ouigouam du grand village des blancs.[1]

— Et pourquoi ne m’en souviendrais-je pas ?

— Parce qu’il semble au chef qu’il est plutôt l’esclave que l’allié de son frère au visage pâle.

Harthing se mordit les lèvres avec tant de violence que le sauvage s’en fût aperçu si la nuit n’eût été sombre. Car bien que ce fût la première fois que Dent-de-Loup se plaignît du rôle passif que son allié lui avait fait jouer jusqu’alors, il importait beaucoup aux projets du lieutenant que le chef ne se révoltât point au moment où l’Anglais croyait prévoir le succès de ses intrigues. Aussi maîtrisant l’inquiétude que la brusque sortie de l’Agnier suscitait en lui, répliqua-t-il d’une voix calme :

  1. Boston.