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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

voulez me donner congé ce soir, peut-être réussirai-je mieux aujourd’hui que Dent-de-Loup hier.

On se souvient que le lieutenant avait fait tolérer la présence du sauvage sur la flotte, sous prétexte que ce fidèle allié offrait à s’introduire dans la ville, pour y découvrir un endroit faible par où l’on y pourrait pénétrer par surprise.

Aussi lui avait-il d’abord été facile de rendre plausibles aux yeux de ses chefs, la première reconnaissance de Dent-de-Loup et l’expédition de la veille où celui-ci avait donné à Boisdon la lettre remise par ce dernier à Louis d’Orsy.

Mais, comme on le peut bien croire, ces démarches n’ayant pas beaucoup profité à l’utilité générale des assiégeants, vu que Harthing ne donnait sur ces deux tentatives que d’évasives réponses, les chefs de l’expédition retirèrent aussitôt leur confiance à ces vaines sorties nocturnes. Aussi Whalley répondit-il froidement à son lieutenant :

— D’après le résultat de vos premières tentatives, il est difficile, monsieur, d’augurer mieux d’une nouvelle. Cependant je veux bien vous laisser libre de faire un dernier effort ; mais si la réussite ne vient pas cette fois à votre aide, il me faudra vous empêcher d’exposer inutilement votre vie.

— Aussi est-ce bien mon intention, monsieur, de vous demander congé seulement pour ce soir. Mais, vous plairait-il de me donner le mot de passe, afin de ne pas être retardé par nos sentinelles ?

— Le mot d’ordre est : « Prenez garde, » dit Whalley qui regarda froidement Harthing.

Celui-ci ne put supporter ce coup-d’œil froid et inquisiteur, et après avoir salué profondément, il sortit.