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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

font feu sur nous, c’est-à-dire au-dessus ; car ils tirent à hauteur d’homme, et nous sommes tous couchés à plat ventre. Bien visé ! fameux ! mes mignons ! que je leur dis ; puis, apercevant un petit officier dont les cheveux sont rouges comme l’habit qu’il porte, je lui envoie une dragée dans sa vilaine boule. Vlan ! le voilà les jambes en l’air. Eh ! c’est comme ça qu’on tire, mes amours ! que je leur redis, en donnant à gober une autre balle à la gueule de mon mousquet qui a faim de tuer.

Les Anglais qui voient que le feu est moins nourri du côté de M. Juchereau, s’élancent au pas de course dans cette direction.

— Debout enfants ! s’écrie notre capitaine ; suivons les et feu sur eux !

Alors on se disperse en tirailleurs, et, cachés, qui derrière un arbre, qui à l’abri d’un rocher, on fait descendre sa garde à plus d’un habit rouge.

Pendant qu’on serre ainsi l’ennemi de près, M. Juchereau nous a rejoint avec sa troupe. Le vieillard[1] a encore bon pied et bon œil, je vous assure ; car il se tenait à côté de nous, sautant comme un jeune homme par dessus les mares d’eau et les cailloux, et faisant le coup de feu comme vous et moi.

Nous sommes une trentaine d’hommes réunis autour de M. de Longueuil, et comme nous nous trouvons les plus près de l’ennemi et que nos coups portent mieux, nous attirons bientôt l’attention des Anglais. Ils tirent sur nous et rechargent leurs armes en courant. À la première décharge qu’ils ont faite de notre côté, une balle est venue casser la tête du jeune M. de Latouche.[2] Il rend l’âme dans les bras de deux de

  1. M. Juchereau de Saint-Denis avait alors soixante ans.
  2. Le fils du seigneur de Champlain.