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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

après lui avoir tiré l’oreille. Jacquot fait la grimace du côté de l’Anglais et disparaît comme un renard à travers le fourré.

Il n’y a pas une demi heure que nous sommes à l’affût, quand cinquante chaloupes remplies d’Anglais nagent vers la terre. Mais la mer à baissé, et il leur faut débarquer à quelques arpents du rivage, hors de la portée de nos mousquets.

— Oh ! quel dommage que la lisière du bois soit si loin d’eux ! murmure notre commandant qui m’a fait placer à côté de lui pour profiter de ma connaissance des lieux.

En effet les goddem forcés de se jeter à l’eau jusque sous les bras,[1] parce que leurs bateaux s’échouent dans le sable, gagnent la terre sans ordre et pêle-mêle comme des moutons. Mais une fois là, pourtant, ils reforment leurs rangs et se dirigent au pas vers nous. On aurait entendu bâiller une mouche tant nous étions tranquilles dans notre cachette. L’ennemi n’est plus qu’à cinquante pas de nous.

— Attention ! enfants, nous dit à demi-voix notre commandant. Visez bien chacun votre homme. En joue ! Tirez ! Brrrrr, près de quatre cents balles, car les hommes à M. Juchereau ont fait feu avec nous, sortent en hurlant du milieu des broussailles et tapent au beau milieu des hérétiques dont cinquante, au moins, mordent la poussière.

Pendant que l’ennemi surpris regarde du côté de ses talons et fait mine de nous souhaiter le bonsoir,[1] nous chargeons, tirons puis rechargeons encore.

Mais les Anglais semblent se remettre un peu et

  1. a et b Journal de Whalley.