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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

« Eh bien ! donc, commença Bras-de-Fer, vous savez qu’il pouvait être comme une heure, lorsque nous laissâmes la ville, tambour battant et l’arme au bras. Après avoir traversé la rivière Saint-Charles dans le bac des Sœurs, nous suivons quelque temps la grève pour piquer ensuite à travers le bois jusqu’au sud d’une petite rivière qui se décharge dans le fleuve.[1]

À peine sommes-nous embusqués sur la bordure du bois, que le seigneur[2] nous fait avertir par mon petit frère Jacquot — un vrai lutin du diable, qui n’a que treize ans et joue déjà de l’arquebuse comme un homme fait — qu’il s’est caché avec soixante de ses gens à deux cents pas au nord du ruisseau. Il nous fait savoir que les chaloupes anglaises jetteront probablement leur monde sur les bords du cours d’eau ; car il a vu un de leurs canots en sonder l’embouchure au petit jour. Alors il nous sera facile de leur tomber dessus en nous entendant avec lui pour les prendre entre deux feux.

— C’est bon ! répond M. de Longueuil à Jacquot. Mais dis à ton capitaine qu’il laisse les ennemis gagner mon côté, vu que j’ai cinq fois plus d’hommes que lui.

— Monsieur ! mon capitaine n’a pas peur, répond effrontément ce satané Jacquot, et si l’Anglais vient de notre bord, laissez-nous faire ; le temps des prunes est passé, mais on lui fera manger des noyaux tout de même.

— Allons, décampe, lui dit en riant M. de Longueuil

  1. Ce petit cours d’eau se jette dans le Saint-Laurent, quelques arpents au nord de la ferme de Maizerets. C’est la rivière des fous autrefois appelée « la cabane au Taupier. »
  2. Pierre appelle M. Juchereau de Saint-Denis son seigneur.