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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

comme nous l’avons déjà vu, M. de Longueuil et trois cents hommes de Montréal à la rencontre du major Whalley. Mais comme aucun des premiers ne connaissait la Canardière, ni les abords de la ville, le gouverneur fit demander à M. de Maricourt de vouloir bien lui envoyer Bras-de-Fer, natif de l’endroit, pour guider M. de Longueuil et ses gens ; ordre auquel Pierre Martel s’était aussitôt rendu.

— Allons ! Pierre, dit M. de Maricourt en essuyant du revers de la main une larme brûlante que la fatale nouvelle de la mort du chevalier de Clermont avait fait rouler sur sa joue, dis-nous comment il est tombé, et ce qui s’est passé là-bas cette après-midi.

— Bien volontiers, mon capitaine ; mais j’éprouve le besoin de fumer une touche, et si ça vous est égal…

— C’est bon ! fais vite et commence.

— Ah ! les satanés gredins d’Anglais ! s’écria Pierre, après avoir vainement cherché dans toutes ses poches ; ils m’ont fait perdre ma blague, une blague toute neuve et taillée dans la peau d’un petit loup marin que j’assommai l’année passée sur l’île à M. Sainte-Hélène.[1] Ah ! qu’il m’en tombe sous la patte un de ces englishs, et si je ne me fais pas un sac à tabac du meilleur de sa peau, je veux être scalpé à la Toussaints. Voyons, vous autres, chargez-moi ma pipe.

Vingt bras se tendirent vers Pierre Martel qui, après avoir allumé son brûle-gueule, s’assit sur l’affût d’un canon et fit à ses auditeurs attentifs le récit qui va suivre.

  1. L’île Sainte-Hélène appartenait alors en effet à M. LeMoyne de Sainte-Hélène ; elle avait été ainsi nommée en l’honneur de Hélène Boullé femme de Champlain.