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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Mais ils avaient couru maint danger en descendant le fleuve : leur barque s’était échouée à la Pointe-aux-Trembles ; et, pour ne point perdre de temps, ils avaient pris un mauvais canot d’écorce, qui faillit chavirer plus d’une fois, avant de les rendre à bon port.

Et, c’est après toutes ces péripéties que nous les avons vus monter au château du Fort en la compagnie du major Provost.

Elle était spacieuse la chambre où ils entrèrent. Dans la vaste cheminée, qui occupait à elle seule plus de la moitié de l’un des pans de la pièce, pétillait un feu des mieux nourris.

— Vive Dieu ! mon cher Bienville, dit le comte en s’approchant du bon feu clair, voici qui vaut mieux, je pense, que cet air glacial de tantôt : Allons, mon gentilhomme, prenez place à ma gauche, et vous, major, asseyez-vous sur ce siège à ma droite.

Puis, se tournant vers un valet de chambre :

— Servez le souper.

— Et bien ! major, dit-il ensuite, quoique l’on fasse ici bonne et vigilante garde, l’ennemi n’est pas encore en vue !

— Non, monsieur le comte, mais peut-être qu’il n’est pas bien loin.

— Ah !… quelles nouvelles en avez-vous ?

— J’ai envoyé ce matin un éclaireur à la découverte, et il a aperçu des bâtiments mouillés en grand nombre au pied de l’île.

— Par la mordieu ! s’écria le gouverneur, qui jurait en bon gentilhomme, pourvu que mes soldats et miliciens de Montroyal et des Trois-Rivières aient le temps d’arriver. Mais, il serait peut-être bon d’envoyer, sur l’heure, un officier avec un détachement,