Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/157

Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Dix minutes plus tard, un canonnier que M. de Maricourt avait placé en sentinelle à quelques pas des pièces, entendant quelqu’un s’engager sur le quai, arma le mousquet qu’il portait pour la circonstance, et dont la mèche brûlait lentement entre les dents du serpentin.

Il épaula son arme et cria :

— Qui vive !

— France et Bras-de-Fer, répondit une voix dont la sonorité dut réveiller en sursaut tout marin qui dormait sur la flotte ennemie.

La réponse de l’arrivant excita l’hilarité générale ; mais comme son nom n’avait aucun rapport avec le mot d’ordre, le capitaine dut aller au devant du nouveau venu pour le reconnaître d’une manière plus officielle.

— Qui va-là ? demanda-t-il à l’arrivant que le mousquet de la sentinelle tenait toujours à distance respectueuse.

— C’est moi, Pierre Bras-de-Fer, mon capitaine, répondit l’autre.

— Avance à l’ordre, Pierre Bras de-Fer, reprit Maricourt.

Le factionnaire releva son mousquet, et une espèce de géant se rapprocha de Maricourt en deux enjambées.

— D’où viens-tu donc, à pareille heure, lui demanda l’officier.

— Du feu, mon capitaine. J’ai à peine eu le temps d’arrêter une minute chez Boisdon, pour me glisser une petite larme dans le gosier que j’avais aussi sec que de l’amadou d’un an. C’est que voyez-vous, mon capitaine, on en a mangé de la poussière aujourd’hui, sans compter le reste. Je vous assure