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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

— Allons ! courage, enfants, dit le capitaine de Maricourt à ses hommes pour les animer. Chargez vite, mais sans précipitation.

— Ayez pas peur, mon capitaine, lui répond un vieux marin, nous allons lui pratiquer une si grande gueule à ce gredin de vaisseau amiral, qu’il ira bientôt boire à la grande tasse.

Et Maricourt de rire, bien que boulets et mitraille ennemis mugissent et crépitent comme grêle autour de lui.

Et se tournant vers son frère :

— Bien tiré ! Bienville, dit-il à ce dernier chargé, avec Louis d’Orsy, du commandement des deux autres canons de la batterie.

Puis revenant pointer ses propres pièces :

— Chargez !… Pointez !… Feu ! crie-t-il.

Sans relâche l’airain hurle, bondit et tonne en vomissant soutire et mitraille.

Cet ouragan de fer et de flamme dura sans discontinuer jusqu’au soir ; mais quand l’obscurité ne permit plus de bien pointer les pièces, on cessa le feu des deux côtés.

Il n’y a pas à douter que s’il eût été donné à Maricourt d’arrêter la marche du soleil, à l’instar de Josué, il se fût trouvé le plus heureux des hommes. Mais l’amiral Phips en eût été bien marri ; car ses vaisseaux faisaient eau partout, troués qu’ils étaient en maints endroits dans leurs œuvres-vives.

Il pouvait être huit heures, lorsque le dernier écho, de la dernière détonation s’éteignit au loin dans l’ombre crépusculaire qui, déjà, couvrait la plaine et les montagnes.

Bientôt vint la nuit silencieuse et sereine. Groupés alors autour de leurs pièces, les artilleurs français