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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Alors une scène splendide anima tout d’un coup la ville et la vallée de la rivière Saint-Charles.

C’était par une de ces belles journées d’automne où la saison du vent et de la pluie semble cacher ses rigueurs comme pour nous faire souvenir de l’été qui n’est plus, et nous permettre d’oublier, un moment, les jours froids et sombres trop vite arrivés.

Le ciel était pur et bleu, à l’exception d’une teinte purpurine et vineuse qui frangeaient l’horizon sur la cime des monts lointains.

Les arbres qui ombrageaient encore à cette époque la vallée de la rivière Saint-Charles, exhibaient mille nuances variées jusqu’aux montagnes que l’éloignement et l’automne teignaient d’un bleu pâle et presque rougeâtre.

Partout, dans la vallée comme sur les monts, les feuilles des arbres dont la sève était figée, se desséchaient sous les étreintes mortelles du froid et des pluies d’automne.

Sur certains arbres du vallon, elle se paraient d’un rouge-feu tranchant sur les tons plus pâles qui en doraient d’autres. Sur le plus grand nombre, elles n’avaient que cette teinte uniforme d’un jaune clair qui faisait le fond du tableau. Enfin, on voyait encore, çà et là, quelques rameaux conserver un reste de verdure.

Mais pour contraster avec ce riche deuil de la nature, ce n’était partout que bruit et mouvement.

Dans les intervalles de chaque décharge d’artillerie, on entendait au loin crépiter la fusillade ; car tandis que les vaisseaux de Phips jetaient l’ancre devant la ville, les troupes commandées par Whalley et portées sur une multitude de bateaux et de chaloupes, forçaient de rames vers la terre où elles paraissaient