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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

partie proéminente de son humanité toute la charge, bourre et poudre, du mousquet de Boisdon.

— Ah ! Jésus ! mon Seigneur ! je suis mort ! crie le cuisinier qui s’affaisse à terre comme une masse inerte, le poids de son gros ventre le faisant tomber la face en avant.

On accourt, on s’empresse autour du blessé qui croit rendre l’âme par la plaie saignante.

— Vite ! de l’eau ! de l’eau ! voilà que Saucier prend feu ! s’écrie un milicien.

En effet le coup avait atteint le chef de si près, que la partie de ses chausses qui recouvrait l’endroit atteint avait pris feu et brûlait en grillant les chairs grasses qu’elles avaient pour mission de voiler pudiquement.

— Au secours ! au secours ! miséricorde ! hurle Saucier.

Un soldat de ligne qui s’était approché, fend les rangs des miliciens et frappe de toutes ses forces du plat de la main sur les abords de la blessure enflammée.

— Ah ! ah ! ah ! fait Saucier en poussant de pitoyables gémissements à chacun des coups vigoureux que le malin soldat lui donne à dessein.

— Allons ! mon vieux, laissez-vous faire, dit le militaire ; sans quoi vous allez être incendié.

— Oh ! je vas mourir !… Je me… meurs crie le cuisinier d’une voix plaintive.

— Non, non, père, vous n’en mourrez point, repart de soldat qui vient enfin d’arrêter l’action dévorante du feu. Vous en serez quitte pour ne point vous asseoir sur la dure pendant trois semaines. Ne craignez rien, mon brave, le cœur est loin !

Pendant ce temps, Boisdon ahuri regarde tantôt son mousquet qu’il a laissé tomber à terre dans le