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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

remettez-la en son lieu… » Animal de bourgeois, ajouta-t-il en a parte.

En voyant le danger à courir, s’ils continuaient à se tenir au bout des mousquets, les badauds qui se tenaient en avant de la compagnie, s’en éloignèrent respectueusement.

Les miliciens firent feu de leurs cartouches blanches, et l’on procéda au rechargement des armes.

La voix vibrante du capitaine cria de nouveau :

— « Prenez le fourniment »… « Mettez-le dans le canon »… « Remettez le fourniment en son lieu »… « Tirez la baguette »… « Bourrez »… « Remettez la baguette en son lieu. »… Entendez-vous, numéro treize de serre-file ?

Jusque-là, Boisdon stimulé par les rires de ses camarades et les reproches de son commandant, ne s’exécutait pas trop mal

— « Mettez la mèche sur le serpentin, » continua le capitaine. « Mettez les deux doigts sur le bassinet »… « Soufflez la mèche »…

Mais Boisdon négligea de couvrir le bassinet de ses doigts, ordre qui avait pour effet d’empêcher la poudre d’amorce d’y prendre feu. Aussi quand notre homme souffla sur la mêche pour en raviver la flamme, une malencontreuse étincelle alla tomber sur la poudre d’amorce, laquelle s’enflamma en faisant partir le coup.

Or Boisdon se trouvait couvrir, comme disent messieurs les militaires, le numéro treize du rang de front, qui n’était autre que le cuisinier du château, Olivier Saucier. La gueule du mousquet de l’aubergiste, ce dernier se tenait trop en arrière de son rang, touchait presque la partie charnue terminant l’échine du pauvre Saucier ; aussi ce dernier reçut-il dans cette