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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

à courir dans la ténébreuse affaire qu’il machinait avec Dent-de-Loup ? La chronique ne le dit pas ; elle constate seulement que notre homme était d’une maladresse désespérante.

[1]« Portez la main droite au mousquet, » commandait l’officier.

Boisdon troublé cherchait sa main droite qu’il confondait avec la gauche.

— « Haut le mousquet, » continuait le capitaine.

Et l’aubergiste-soldat menaçait le ciel de son arme qui dépassait celles de ses voisins de deux pieds.

— « Joignez la main gauche au mousquet. » Mais, numéro treize de serre-file, vous ne savez donc pas encore, à votre âge, distinguer votre gauche de votre droite ! s’écriait l’officier impatienté.

Quelques instants après, comme le capitaine allait commander le feu à ses hommes qu’il venait de disperser en tirailleurs, le cri : « Tirez ! » arrêta sur ses lèvres ; car il s’aperçut que Boisdon avait laissé sa baguette dans le canon de son arme qui menaçait le capitaine placé à vingt pas en avant de sa compagnie.

— Mille bombardes ! s’écria-t-il, ne voyez-vous point, numéro treize de serre-file que vous n’avez pas retiré la baguette du canon de votre mousquet, et que vous alliez m’en percer ! La jolie besogne que la mienne ! Je m’évertue à initier un niais dans l’art des armes, et ce gredin-là va me tuer ! Mais n’avez-vous pas entendu le commandement : « Tirez la baguette et

  1. Tous les commandements qui suivent sont exactement ceux dont on se servait au 17e siècle, dans l’armée française. Ils sont tirés d’un ouvrage intitulé : « Des travaux de Mars, par Alain Mannesson Mallot, maistre de mathématique des pages de la petite écurie de Sa Majesté, ci-devant ingénieur et sergent-major d’artillerie en Portugal, Paris, 1684, 3 vol. 140. » Voir aussi Monteil, 3e vol. p. 188, édition de Victor Lecou, 1853.