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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Tous étaient répartis sur les différents points de la ville, d’après les ordres du gouverneur qui attendait certains mouvements de l’ennemi pour se porter à sa rencontre. La majeure partie des troupes de ligne était concentrée sur la place-d’armes, et s’amusait à regarder une compagnie de miliciens composée des Québecquois âgés et mariés. Un capitaine habituait ces derniers à manier l’arquebuse et le mousquet à mèche,[1] et ce au grand plaisir des soldats de ligne qui pouffaient de rire à chacune des bévues commises par messieurs les bourgeois. Le grand nombre de ces derniers montrait cependant beaucoup de bon vouloir et satisfaisait même l’officier chargé de les exercer. Mais il y avait pourtant un milicien qui le désespérait par ses balourdises ; c’était le numéro treize du rang de serre-file, ou, si vous l’aimez mieux, notre connaissance Jean Boisdon.

Était-ce distraction ou gaucherie, pensait-il au risque

  1. Aujourd’hui que l’on ne parle que de Chassepots, de Sneiders, de Rémingtons, ou de fusils à aiguille, il sera peut-être à propos de donner ici une idée des armes à feu de nos ancêtres. L’arquebuse, plus lourde que le mousquet (il y en avait qui pesaient de cinquante à cent livres) nécessitait l’emploi d’une fourquerie, ou fourche ferrée sur laquelle on appuyait l’arme pour viser plus sûrement. Ce bâton d’appui était ferré par le bas afin de pouvoir être fixé solidement en terre, et fourni par le haut d’une béquille ou fourchette sur laquelle reposait l’arme que l’on voulait ajuster, et qui prenait alors le nom d’arquebuse à croc. On ne se servait pourtant des plus pesantes que sur les remparts.

    Le mécanisme de l’arquebuse et du mousquet à mèche était très-simple. L’extrémité inférieure de la platine portait un chien nommé serpentin, à cause de sa forme, entre les dents duquel on adaptait la mêche. En appuyant fortement sur la détente, on faisait jouer une bascule intérieure qui abaissait le serpentin avec la mèche allumée sur le bassinet où il faisait prendre feu à l’amorce.

    Les munitions de l’arquebusier étaient contenues dans un appareil nommé fourniment. Le fourniment était pourvu de plusieurs petits tubes en métal contenant chacun leur cartouche, et d’une flasque renfermant une poudre très-fine que l’on nommait pulvérin d’amorce.