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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Aussi renonçons-nous à décrire l’état d’excitation du malheureux Harthing, quand le flux, venant déséchouer leur bateau, permit aux Anglais de rejoindre la flotte.

Cependant l’émoi, que la batterie de la générale avait jeté par la ville, y régnait encore. Tout le militaire était sous les armes, ainsi que les bourgeois en état de les porter. Pendant ce temps, les vieillards, les femmes et les enfants transportaient en grande hâte aux Ursulines leurs objets les plus précieux, voire même des marchandises, pour les mettre à l’abri dans les murs épais du couvent.[1]

Ce n’était que cris, confusion, vacarme et désordre depuis la « grande place » jusqu’au monastère des bonnes sœurs. Les rues des Jardins et du Parloir étaient encombrées de femmes et d’enfants, de meubles et d’effets, le tout criant, remuant et grouillant.

— Place donc ! s’écriait dame Javotte Boisdon, robuste commère dont les reins solides et les jarrets musculeux pliaient à peine sous le poids d’un gros coffre où elle avait jeté pêle-mêle linge, habits, chaudrons et casseroles ; — mais rangez-vous donc, vous autres !

— Rangez-vous donc vous-même ! riposte d’une voix aigre et chevrotante une petite vieille ridée et cassée qui chancelle sous la pesanteur d’un lit de plumes qu’elle traîne à la remorque.

— Allons ! mère Picard, soyez tranquille reprend l’autre. On ne déménage plus à votre âge ; et vous auriez mieux fait de rester couchée sur votre paillasse que de la traîner avec vous.

  1. « Notre classe des externes était encombrée de meubles et de marchandises, servant de magasin à beaucoup de personnes qui avaient apporté leur bagage. » (Annales des Ursulines.)