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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

ce récit des hauts faits d’un âge héroïque, veuillez bien, jolies lectrices, ne le point orner d’avance de ces qualités extérieures dont beaucoup de romanciers contemporains se plaisent à habiller leurs héros.

D’abord, Bienville n’avait pas une de ces tailles élancées qui se dessinent si bien, selon le goût moderne, sous la coupe, plus ou moins élégante, des habits de nos tailleurs à la mode ; bien au contraire, il était trapu, courtaud, robuste et carré.

Ensuite, sa main n’était ni effilée, ni blanche, comme celle de ces héros de romans, plutôt propres à chiffonner les dentelles d’une folle marquise dans une collation sur l’herbe,[1] qu’à pourfendre un homme au champ d’honneur.

Le nôtre arrivait de la baie d’Hudson, où il avait guerroyé contre l’Anglais, pendant plusieurs mois, avec ses frères d’Iberville, Sainte-Hélène et Maricourt. Accoutumées, lors des fréquentes expéditions qu’il faisait à travers les bois, à manier la hache autant que l’épée, ses mains étaient devenues épaisses, larges et musculeuses.

Enfin, lectrices, dernière déception pour vous, M. de Bienville n’était pas beau de figure. Cependant, pour rester dans le vrai, je dois me hâter d’ajouter qu’il n’était certainement pas laid.

Si vous aviez examiné ses grands yeux bruns où se lisaient l’intelligence, le courage, ainsi qu’une aristocratique fierté, ses lèvres tant soit peu dédaigneuses et si fines de contour, vous n’auriez pas remarqué, sans doute, qu’il avait la figure osseuse et fort peu

  1. Les collations sur l’herbe, dans les jardins et les grottes, étaient en grande vogue, en France, vers le milieu et la fin du dix-septième siècle. Voyez Monteil, le Grand d’Aussy et les mémoires de l’époque dont nous parlons.