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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

massacre, et s’était éveillé baigné de sueurs froides, lorsque le jour commençait à poindre. Alors notre homme s’était levé tout de suite en essayant de chasser les idées sombres que les rêves nocturnes suscitaient en lui. À peine entendit-il quelque bruit qu’il se mit à rôder dans les corridors du château. Aussi accourut-il un des premiers lorsque la sentinelle donna l’alarme. Puis ayant entendu le gouverneur demander sa lunette, il s’était empressé de l’aller quérir.

— Tiens ! dit le comte, c’est vous, père Saucier ! C’est bien, mais regagnez vos fourneaux, maintenant ; car n’oubliez pas que j’aurai beaucoup d’hôtes à ma table d’ici à quelque temps. D’ailleurs, cet endroit-ci est très-malsain pour un homme de votre corpulence.

— Jésus-Dieu ! je n’y pensais pas ! fit Saucier en portant vivement les deux mains sur sa bedaine, comme s’il eût senti quelque biscaïen y faire une trouée.

Puis il prit sa course vers la cuisine.

Cependant M. de Frontenac braqua sa lunette sur la flotte, et resta quelques minutes à examiner les mouvements de plusieurs chaloupes ennemies qui se dirigeaient vers la terre.

— Vous aviez raison, mon brave, dit-il ensuite à la sentinelle ; l’ennemi se prépare en effet à débarquer. Allons ! fit-il en se tournant vers quelques officiers qui l’avaient suivi, qu’on batte la générale et que chacun soit à son poste !

Alors un caporal-tambour, escorté de deux soldats armés, parcourut toute la ville en sonnant la batterie d’alarme, tandis que, selon l’usage, tous les tambours de la place la répétaient à l’instant. Ce