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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

maintenant le jardin du gouverneur. Aucun fossé n’en défendait l’approche.

La garnison du château du Fort était de deux sergents et de vingt-cinq soldats, outre la compagnie des gardes du gouverneur ; celle-ci se composait d’un capitaine, d’un lieutenant et de dix-sept carabins.[1]

Dès que M. de Frontenac eut entendu le signal donné par la sentinelle, il accourut sur le champ. Et c’est pourtant à peine s’il avait pu reposer une heure, occupé qu’il avait été durant la nuit à donner ses ordres aux officiers. Le vieux militaire avait trop longtemps dormi sous la tente et au bivouac pour n’être pas brisé à cette vie d’alertes et de surprises qui est celle du soldat.

— Qu’y-a-t-il ? demanda le comte au factionnaire qui se tenait devant son chef, raide et au port-d’armes.

— Il y a, mon commandant, répondit le soldat, que l’Anglais se prépare à prendre terre pour nous tomber dessus ; voyez plutôt !

— Qu’on m’apporte ma lunette de longue-vue ? demanda le gouverneur.

— La voici, monseigneur, lui dit bientôt une voix humble sortant d’un individu plus humble encore qui courbait modestement l’échine devant le comte. Ce n’était autre que maître Saucier. Un bonnet de laine bleue, dont la mèche retombait paisiblement sur son oreille gauche, couvrait la tête du cuisinier, tandis que le classique tablier de sa caste dessinait les contours arrondis de son abdomen.

Maître Olivier avait très-mal dormi durant la nuit précédente, ayant été berné par un cauchemar incessant. Il n’avait rêvé qu’assaut, saccage et

  1. Voir La Potherie.