Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.
136
FRANÇOIS DE BIENVILLE.

— Ce message, dit Louis à son tour, est d’un insensé plus à plaindre qu’à craindre, je crois. Arrivé aux paroxysme d’une passion inassouvie et sentant bien qu’il n’a plus aucun ménagement à garder, il se laisse emporter par toute la fougue de son violent caractère.

— Mes pressentiments n’étaient pas menteurs, dit enfin Marie-Louise en sortant un peu de l’état de torpeur où le récit de son frère l’avait de nouveau jetée. Car depuis l’autre soir où cette sinistre figure m’est apparue par la fenêtre, un trouble, une angoisse indicibles me tourmentent. Il me semble qu’un affreux malheur me menace et m’atteindra bientôt. Pourquoi, mon Dieu ! pourquoi donc avoir jeté ce forcené sous mes pas !

Un assez long silence suivit cette exclamation de la jeune fille. La sinistre figure de Harthing venait de surgir entre eux ; adieu, doux propos ! charmants rêves d’avenir, adieu !

Lorsque dans les beaux jours du printemps, les oisillons, ivres de joie, gazouillent sous la feuillée, ou traduisent en capricieuses roulades leurs naïves amours, ils semblent tout oublier alors, tout excepté leur nid, leur compagne et Dieu qu’ils louent à l’envie dans leurs chants. Mais le chasseur est là, qui guette, et, le doigt sur la détente, prend son temps et attend l’occasion pour mieux tuer. Soudain, le coup part et le plomb meurtrier traverse leur retraite. Alors, adieu la joie ! La volée s’enfuit en poussant des cris plaintifs. Bienheureuse encore, si la bande n’a pas trop d’absents à pleurer, quand elle s’abattra plus loin dans un secret recoin du bois.

Cependant les deux amis, tant pour rassurer Marie-Louise qu’afin de pourvoir à sa sûreté, car ils ne se