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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

rien dit à son élève. Quatre jours seulement avant de laisser Boston, il avertit ce dernier qu’il leur faudrait bientôt cesser leurs études. Et en même temps, le jeune baron instruisit Harthing de son prochain départ pour Québec.

Inutile d’affirmer que cette nouvelle frappa le lieutenant comme un coup de foudre. Il eut pourtant assez d’empire sur lui-même pour n’en rien laisser paraître tant qu’il fut en présence des orphelins. Mais une fois sorti de leur demeure, il exhala la douleur que lui causait l’annonce de cette séparation inattendue, par les plaintes les plus amères.

— Pourquoi donc, s’écria-t-il en étouffant un sanglot qui lui montait à la gorge, pourquoi donc avoir entrevu le bonheur, seulement pour le voir s’évanouir, alors que j’avais lieu d’espérer d’en pouvoir goûter un jour les premières délices ! Insensé ! pourquoi ne lui avoir point fait avant l’aveu de l’affection, de l’admiration sans borne qu’elle a su m’inspirer ! C’en est fait ! elle m’a vaincu sans le savoir ; eh bien ! dès demain, j’irai la trouver pour lui offrir de partager mon sort et mon nom. Elle est pauvre, et voudra bien accepter sans doute. Ah ! oui, j’irai !

En effet, quand la matinée du jour qui suivit fut assez avancée pour lui permettre cette démarche, Harthing, le cœur partagé entre l’espérance et la crainte, frappa discrètement à la porte de la chambrette que Marie-Louise allait bientôt quitter.

Celle-ci vint ouvrir et recula de surprise à la vue du lieutenant. En ce moment elle était seule ; car Louis courait par la ville pour hâter les préparatifs du départ.

— M’accorderiez-vous, mademoiselle, la faveur d’un moment d’entretien, dit le visiteur en saluant profon-