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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

grandes choses. Mais malheureusement ses instincts mauvais se faisant jour à chaque instant, la fièvre du mal dévorait aussitôt les bons sentiments qui dormaient en lui.

Pour peu qu’on veuille bien se reporter aux événements qui figurent dans le second chapitre, on se souviendra quelle passion subite la beauté de Mlle d’Orsy avait causé tout d’abord à Harthing, lorsque des circonstances deux fois fatales avaient amené l’officier anglais en la demeure des nouveaux orphelins.

À peine fut-il sorti de leur habitation, alors que les pauvres enfants pleuraient le bon père qu’ils venaient de perdre et dont ils faisaient eux-mêmes, en ce moment, les lugubres apprêts des modestes funérailles, que John Harthing se mit à chercher un moyen de revoir Marie-Louise.

— Oh ! qu’elle est belle ! s’était-il dit en sortant. Voici que déjà je l’aime, sans lui avoir jamais parlé, sans que son regard ait rencontré le mien pour me dire si je pourrai lui faire partager un jour l’émotion que sa vue m’a causée. Qu’elle est belle ! combien je l’aime ! et que je serai heureux… si toutefois elle le veut bien ! ajouta-t-il avec un soupir.

Au bout de huit jours qui parurent bien longs à Harthing, celui-ci se présentait chez Louis d’Orsy, et cachait le but de sa visite sous deux prétextes assez plausibles. D’abord, il venait assurer les orphelins de la part qu’il prenait à leur juste douleur. Et ensuite, il demandait à Louis de vouloir bien lui donner, outre ses leçons d’escrime, quelque notions de français qu’il viendrait prendre chez M. d’Orsy lui-même, vu qu’il avait à sa caserne deux compagnons de chambrée qui les gêneraient dans leurs études.