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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

— Et prendre la place d’emblée ! repartit Louis qui se mit à rire afin de rassurer un peu sa sœur.

— Oh ! si vous l’aviez vu comme moi, François, si vous saviez quelle énergie se peint sur sa figure, vous verriez bien alors qu’il est capable de tout !

— Oui, de tout ce qui est humainement possible, peut-être, mais point de ce dont il se vante.

Puis voyant l’excitation nerveuse de Marie-Louise se calmer un peu :

— Mais il est bien temps, ce me semble, que je connaisse la funeste cause qui jeta cet homme sur votre voie. Je vous supplie de ne m’en plus faire un mystère ?

— Oh ! pas à présent ! je ne pourrais point… Mais, tiens, mon bon Louis, parle, toi, dis-lui tout !

Celui-ci fit alors à son ami le récit qui va suivre.

C’était un homme de caractère que John Harthing, comme l’indiquaient des sourcils épais et deux plis entamant son front de bas en haut à la naissance du nez, ainsi que des lèvres plates qui semblaient adhérer aux dents. Son front pâle, rugueux et bas, était comme un voile agité toujours par le bouillonnement intérieur des passions sous un crâne en feu. Et, lorsque ses yeux, d’un gris verdâtre s’animaient sous leurs paupières inquiètes, on y voyait passer de fauves reflets, tout comme dans l’œil d’une fournaise ardente.

Une chevelure épaisse et rousse recouvrait négligemment ses tempes et son cou. Sa taille était un peu au-dessus de la moyenne, et sa figure accusait au moins trente ans.

Si cet homme dont les désirs n’admettaient point d’obstacles, avait mis son énergique volonté au service d’une passion généreuse il aurait fait de