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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Je te veux revoir, Marie-Louise, et je te reverrai ! Je le jure par les puissances de l’enfer ! Dussé-je pour cela, traverser le fleuve à la nage, passer sur le corps sanglant de vos sentinelles, et, seul, escalader, l’épée aux dents et l’espoir au cœur, l’abrupte rocher qui te protège ! Oui, j’irai te chercher bientôt, fut-ce le jour ou la nuit et au péril de mille morts. Il te faudra bien me suivre alors, ou sinon, malheur à toi !… et sur moi malédiction ! »

John Harthing.

Un éclair brûla l’œil de Bienville. Et ce lion rugit :

— Oh ! veuille le sort, infâme, que nous nous rencontrions face à face dans la mêlée !

— Ah ! tais-toi ! tais-toi ! s’écria Marie-Louise éperdue.

Et joignant ses belles mains, elle leva sur son fiancé des yeux pleins de prières et de larmes, en lui disant au milieu des sanglots qui l’étouffaient :

— Par grâce ! tu le fuiras, n’est-ce pas !… Mais dis-moi donc que tu le fuiras… C’est qu’il te tuerait vois-tu… Fuir ! qu’ai-je dit ? je te demande de fuir, à toi ?… Ô ! malheureuse que je suis ! mon Dieu ! mon Dieu !

Et vaincue par la souffrance et la terreur où la jetaient ces pensées, la pauvre enfant s’affaissa sur elle-même.

— Revenez à vous, Marie-Louise, s’écria Bienville en se jetant à genoux aux pieds de sa fiancée. Pourquoi cette terreur et ces larmes ? Ne voyez-vous donc point que cet homme est fou ? Vouloir à lui seul pénétrer dans la ville !…