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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

« Mais, cet homme vous aime-t-il autant que je sais vous aimer, moi ?… Sa constance a-t-elle fait ses preuves ainsi que la mienne ? Aurait-elle pu tenir contre un refus sanglant et près de trois ans de séparation ? A-t-il, comme moi, fait partie d’une expédition lointaine et grosse de périls, rien que pour apercevoir le toit qui vous abrite, ou seulement voir un coin du ciel sous lequel vous vivez ?

« Et encore, quelles sollicitations, que d’adresse ne m’a-t-il pas fallu employer pour obtenir d’être envoyé comme parlementaire, afin d’avoir le bonheur de vous entrevoir au moins une fois. Mais ô fatalité ! le sort ne l’a pas voulu…

« Voilà comment j’ai su prouver à quel point vous méritez d’être aimée.

« Vous remarquerez peut-être, qu’il aurait été bien plus court de m’adresser ce matin à votre frère que la fortune semblait envoyer à ma rencontre. Hélas ! je ne le pouvais pas. Ma qualité de parlementaire s’opposait d’abord à ce que je traitasse d’un sujet aussi étranger à ma mission. Et d’ailleurs, vous l’avouerai-je, j’avais peur que d’un seul mot, tant votre frère était froid à mon égard, il ne détruisit les chères illusions qui seules m’ont fait vivre depuis quelque temps.

« Maintenant, dites-moi est-ce ainsi que ce Bienville a su vous prouver son amour ? Et pourtant, vous l’aimez ! tandis que moi…

« Oh ! non, vous ne serez pas à lui ! sous peu de jours, peut-être dans quelques heures, on donnera le signal de l’assaut. Sans doute que la ville sera emportée… et alors…

« Mais que la place soit prise ou non, n’importe !