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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Décachette-la donc ! lui dit son frère, moitié souriant et moitié sérieux.

— Harthing !… s’écria Marie-Louise qui, après avoir lu la signature, recula d’un pas et resta quelques instants immobile et comme pétrifiée par la terreur.

Instinctivement, le même cri déchira la gorge des deux amis.

— Harthing ! grommela Louis qui se rapprocha de sa sœur.

— Harthing ! toujours cet homme ! gronda Bienville.

Frissonnante, Marie-Louise tendit la lettre à son frère en lui disant :

— Tiens ! lis, toi.

Celui-ci lut alors à voix haute ce qui suit, sans pouvoir empêcher pourtant le dédain et la colère d’assourdir sa voix.

« Mademoiselle,

« L’éloignement ni le temps n’ont pu affaiblir en moi l’ardeur de mes sentiments à votre égard. Et malgré le refus cruel et la malheureuse scène qui précédèrent votre départ de Boston, je vous aime encore, avec, au moins, toute la passion d’autrefois.

« Pourquoi donc faut-il qu’une simple question de nationalité mette entre nous deux une muraille plus dure que le fer ! Hélas ! mon seul nom d’Anglais amena sur vos lèvres un méprisant sourire, alors que je vous fis, là-bas, le premier aveu de mon affection pour vous !

« Et pourtant, depuis quand l’amour s’est-il pu choisir une patrie ?

« De toutes les femmes que j’ai rencontrées, vous