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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

de vos mouvements resserrait cet étau d’angoisse qui broyait mon cœur. Oh ! dites-moi, auriez-vous agi de la sorte, si vous aviez pensé que j’étais peut-être témoin de votre téméraire action ?

— Ne vous fâchez pas de cet aveu, Marie-Louise, mais je crois, au contraire, que le pressentiment que j’avais d’agir sous vos yeux est bien entré pour quelque chose dans la hardiesse de mon entreprise.

— Méchant ! fit la jeune fille qui le caressa d’un regard moitié grondeur et moitié satisfait.

Car il n’est pas de femme dont l’amour… propre reste insensible aux beaux faits qu’elle sait inspirer.

— Mais, je vous en prie, dites-moi, reprit Bienville, quelle est la cause de certaine frayeur que vous avez manifestée ce matin ?

Ce matin ! mais à quelle occasion ?

— Ne vous rappelez-vous pas ce cri qui vous est échappé lorsque nous avons passé devant la maison, avec le parlementaire anglais ?

— Ah ! mon Dieu ! ne me parlez point de cela, monsieur de Bienville.

— Mais pourquoi donc ?

— C’est qu’il en est de certains souvenirs comme des morts, il ne faut point les évoquer.

— Mille pardons de mon indiscrétion, repartit Bienville, mais je n’insisterais pas si votre frère ne m’avait déjà permis d’entrevoir un des coins du tableau.

— Qu’as-tu donc dit à M. de Bienville ? demanda Marie-Louise à son frère.

Celui-ci faisait en ce moment une guerre acharnée aux tisons ardents qui s’ébaudissaient dans l’âtre. Il se donnait cette occupation afin de ne point prendre