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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

pour des cibles… puisqu’ils tirent à côté, continua-t-il, comme si de rien n’était.

Le pavillon flottait alors à quelques cinquante pieds en avant.

Bienville redouble de vigueur tandis que balles et boulets pleuvent autour de lui. Quelques brasses énergiques l’amènent enfin près du pavillon qui tient encore au tronçon du mat coupé par le boulet de Maricourt.

Appuyant alors ses deux mains sur ce dernier débris, et sortant hors de l’eau son buste qui ruisselle :

— Vive la Nouvelle-France ! crie Bienville aux Anglais de toute la force de ses poumons.

Et trois fois ce cri de victoire s’en va déchirer l’oreille de l’amiral qui rugit sur son banc de quart.

— Feu partout sur ces démons ! s’écrie Phips d’une voix étranglée par la rage.

Un réseau de flamme et de fumée enveloppe un instant le gaillard d’arrière du vaisseau amiral qui ne peut faire feu des deux côtés de ses sabords, vu la position que lui donne le flot.

Quelques projectiles passent en miaulant près de Bienville, qui a pris soin de rentrer dans l’eau jusqu’au cou, après avoir jeté ses trois défis. Une balle vient même couper la drisse qui rattache le mat au pavillon.

Ça me va, murmura François, car j’avais oublié mon couteau. Merci, messieurs, dit-il en tournant le dos aux Anglais. Puis, il saisit le pavillon avec ses dents et l’entraîne à la remorque.

Bienville avait cependant perdu ses amis de vue depuis quelques minutes, et, lorsqu’il les rejoignit, sur son retour, il s’aperçut que d’Orsy soutenait le chevalier.