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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

— Pendons l’envoyé ! s’écria même M. de Valrennes d’une voix vibrante qui domina toutes les autres.

Harthing comprenait bien le français ; mais il n’en avait voulu jusque là rien laisser paraître ; aussi pâlit-il un peu quand il entendit cette voix qui demandait sa pendaison.

Mais il eut honte de laisser percer quelque crainte, et, tirant sa montre d’une main qu’il eût pourtant voulu être plus ferme, il dit que dans une heure, au plus, l’amiral désirait avoir une réponse positive.

Comme les murmures de ses officiers irrités devenaient de plus en plus prononcés, M. de Frontenac promena son regard fier et calme sur l’assemblée, et ces grondements s’éteignirent aussitôt.

Se tournant ensuite vers le parlementaire qui s’était entièrement remis :

« Monsieur, lui dit-il avec dignité, vous nous avez laissé voir, il n’y a qu’un instant, que vous entendez parfaitement le français, veuillez donc transmettre à votre amiral ce que je vais vous dire.

« D’abord, sachez que je ne reconnais nullement Guillaume, prince d’Orange, pour roi de la Grande Bretagne ; il n’est à mes yeux qu’un lâche usurpateur qui a foulé aux pieds les droits les plus saints en jetant à bas du trône son beau-frère Jacques II dont il a pris la place. Je n’ai donc rien à démêler avec lui.

« Quant aux accusations dont vous nous gratifiez si légèrement, laissez-moi vous dire que vous les méritez bien plus que nous. Quelle est en effet la cause qui m’a fait ordonner l’expédition de Corlar[1] dont la

  1. Les français appelaient ainsi Schenectady, du nom de son fondateur.