Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
FRANÇOIS DE BIENVILLE.

propres à agacer les nerfs cette sommation de l’amiral anglais.

Phips accusait d’abord les Français de souffler la discorde en Amérique, témoin les hostilités qu’ils avaient commencées l’hiver précédent en la colonie de Boston, et sur plusieurs points des frontières. Les colons anglais craignant justement tout de gens qui les attaquaient en traîtres comme ils avaient fait à Schenectady, voulaient mettre fin à cette guerre de guets-apens, d’embuches et de massacres qui désolaient depuis trop longtemps le continent américain.

En conséquence, l’amiral Phips, venu au nom du roi Guillaume et de la reine Marie, sommait les français d’avoir à rendre tous leurs forteresses et châteaux-forts, avec armes et munitions, enfin à se remettre eux-mêmes et leurs biens en la bonne disposition de l’amiral anglais vainqueur des acadiens.

« Ce que faisant, » ajoutait la sommation de Phips, je vous pardonnerai en bon chrétien, ainsi qu’il sera jugé à propos pour le service de leurs Majestés et la sûreté de leurs sujets. »

À mesure que M. d’Orsy traduisait cette impertinente sommation, le rouge montait progressivement à la figure des Canadiens. Lorsqu’il en vint à l’accusation de traîtres que Phips lançait aux colons de la Nouvelle-France, un sourd murmure d’imprécations circula dans l’assemblée, pareil à ces bruits étranges qu’on entend dans nos forêts à la veille d’un orage. Mais quand il s’agit de reddition et du pardon de l’amiral, la voix de l’interprète fut couverte un moment par les menaces bruyantes qui grondaient de toutes parts.