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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Quand il entra dans le château Saint-Louis (ou château du Fort, comme on disait à cette époque), il y avait aussi là nombreuse réunion de notables tant civils que militaires ; car, grande était l’inquiétude des bons bourgeois de Québec, depuis qu’ils connaissaient l’arrivée d’une flotte anglaise dans le Saint-Laurent. Aussi s’étaient-ils portés en foule au château, quand ils avaient appris que M. le major s’était rendu à la basse ville pour y recevoir le gouverneur. On avait tellement confiance en son courage et son expérience, que la seule présence du comte au milieu d’eux rassurait en quelque sorte les esprits les plus alarmés.

Tandis que M. de Frontenac répond avec bienveillance aux félicitations qu’on lui adresse de tous côtés, permettez-moi, lecteurs, de secouer un peu la poussière qui couvre ces pages du passé, et de ranimer fictivement les plus illustres des héros que vous verrez agir en ce récit.

Louis de Buade, comte de Frontenac, chevalier de l’ordre de Saint-Louis, et gouverneur de la Nouvelle-France, avait alors soixante-dix ans ; on ne lui en aurait pas donné soixante, tant il était vert, actif et vigoureux encore. Figure martiale, maintien plein de distinction et de grâce, extérieur à la fois digne, imposant et sévère, il résumait en lui le vrai type de ces gentilshommes français, moitié soldats moitié courtisans, qui brillaient alors au premier rang, tant à la cour qu’à l’armée du grand roi.

Son œil noir étincelait sous un grand front à peine sillonné de rides légères, tandis que son nez en bec d’aigle et ses lèvres minces qui commençaient à fuir le menton un peu trop proéminent, donnaient à