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la faim

Le premier jour où les vivres avaient complètement fait défaut, on avait marché, la tête basse, il est vrai, mais sans rien dire. Le second jour, on avait continué ; mais une hésitation manifeste perçait dans tous les mouvements de chacun. Le matin de la troisième journée (trois blessés étaient morts dans la nuit de fatigue et de faim) on s’était remis en marche, mais en murmurant. Puis, dans l’après-midi, le mécontentement était devenu de plus en plus évident et les plaintes de plus en plus ouvertes ; et, pour mettre le comble à la misère et aux souffrances de ces pauvres gens, il faisait une pluie battante qui les trempait jusqu’aux os. Enfin, les hommes s’étaient arrêtés, déclarant qu’ils n’iraient pas plus loin et qu’autant valait mourir où ils étaient, qu’à quelques pas en avant. La discipline, si sévère qu’elle soit, doit plier et retraiter devant un ennemi comme la faim. Force fut donc à Charles Dupuis d’acquiescer au désir ou plutôt à la volonté de ses gens.

Quatre d’entre eux battirent les bois et revinrent les mains vides, comme la nuit étendait son voile sur toutes ces souffrances, Il est impossible de décrire le désap-