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charles et éva

assez conciliant, eu égard à la saison. Donc, puisque ce n’est point un campement indien, approchons sans crainte.

Regardez : autour d’un grand feu sont couchés trente à quarante hommes que l’on prendrait pour des cadavres tant ils sont pâles, décharnés et paraissent insensibles à tout, s’ils ne laissaient échapper de temps à autre quelques gémissements. C’est à peine si quelqu’un d’entre eux élève de temps en temps la tête, pour la laisser retomber sans force ensuite sur la neige durcie à la suite de la pluie de la veille et de la gelée de la nuit.

À quelques pas de ce groupe de spectres vivants, deux personnes éveillent tout aussitôt notre attention. La première, une jeune fille, est à demi couchée sur la neige, tandis que, la main dans celle d’un jeune homme assis à ses côtés, elle appuie sur l’épaule de ce dernier sa tête défaillante.

Une pâleur extrême décolore ce visage de dix-huit ans ; ses lèvres livides et entrouvertes laissent voir une double rangée de perles que serre la souffrance. Ses yeux bleus à peine animés d’une étincelle de vie s’ouvrent à demi sous un front aussi poli