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charles et éva

débris, des hommes endormis, et qu’à leur pâleur on prendrait aussi pour des cadavres, si leur respiration régulière n’indiquait le sommeil.

En dehors du camp, la scène est plus repoussante encore. Les loups ont passé par là, et ont achevé l’œuvre commencée par les hommes. De tous les cadavres agniers, que les Canadiens ont jetés hors des limites du camp, il ne reste plus qu’un amas sans nom de lambeaux sanglants, d’os à demi rongés, de squelettes incomplets et dépouillés de leur chair.

Cependant, les dormeurs se réveillent et chacun s’étirant les bras et les jambes engourdis par le sommeil en plein air, se remet sur pieds. Les figures sont mornes et peu de paroles sont échangées ; car la faim, ce hideux vampire qui ronge impitoyablement sa proie et la consume peu à peu avec des tiraillements insupportables, commence à tourmenter ces hommes héroïques.

Il est affreux, il est vrai, de sentir ce feu dévorant qu’on nomme la faim, déchirer ses entrailles lorsque, privé de tout secours, on se trouve séparé de ses semblables par une distance qui ne laisse aucun espoir à en