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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

lui fait face et dont il fut, avant la guerre, un des centres d’espionnage les plus actifs.

Le long de la riche Morskaïa (rue de la Mer), bordée des plus beaux magasins de la ville, et de la Perspective Newsky, les autos particuliers qui ont pu échapper à la réquisition commencent à se risquer hors de leur garage, et les gens timides à sortir des maisons où une semaine de terreur les confina. Les portraits de la famille impériale, jusqu’à celui de la grande-duchesse Tatiana, qui lut la préférée du peuple russe, ont disparu des vitrines. Sur les monuments d’où on n a pu le retirer encore, le monogramme de l’Empereur est recouvert d’un lambeau d’étoffe rouge. C’est ainsi que la grille du Palais d’Hiver, sur laquelle ce monogramme, enfermé dans un médaillon, se répète de distance en distance, semble de loin porter des stigmates de sang. L’impression vous hante à la longue de ces drapeaux rouges, de ces revêtements d’étoffe rouge, de ces cocardes rouges attachées aux manteaux ou piquées aux bonnets de fourrure, de ces affiches rouges plaquées aux murs, — lambeaux arrachés par la colère du peuple à la pourpre impériale du dernier des Romanov.