Page:Markovitch - La Révolution russe vue par une Française, 1918.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
LA RÉVOLUTION RUSSE

dominant toutes les controverses, l’air sublime de la Marseillaise, traverse l’espace, pareil à la personnification grandiose que Rude en plaça sur l’un des piliers de l’Arc de Triomphe, et entraîne toutes les âmes au vent de son fougueux élan !

Une foule, plus avide que curieuse, se presse autour d’une façade en angle sur la rue de la Poste et la ruelle de la Garde-à-Cheval. Cette façade est tout, ce qui reste du somptueux hôtel du comte Frédériks, ministre de la Cour. J’ai connu le comte Frédériks[1] lors de mon séjour à Livadia, où il se reposait avec sa famille. C’est, un de ces Russes d’origine allemande lettrés, cultivés et courtois, comme il s’en rencontre entre Libau et Narva, dans les provinces russes de la Baltique, parfois très sincèrement attachés à la Russie et dont le mélange du sang, l’effet de l’éducation et des habitudes ont fait un type tout à fait spécial. Quant au comte Frédériks, son titre de ministre de la Cour, au moins autant que son origine allemande, a fait que la haine du peuple s’est abattue sur

  1. Le baron Frédériks reçut de l’empereur Nicolas II le titre de comte.