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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

nomades du désert, le spectacle continu des vastes espaces, associé à un labeur solitaire et silencieux. Maintenant y éclate l’orgueil de leur victoire civique. Quelque chose d’inquiétant s’y mêle : ce je ne sais quoi de l’homme qui se sent maître des destinées d’autrui. Cela, je l’avoue, m’épouvante. Après nous avoir libérés, l’armée va-t-elle nous imposer sa dictature ?

Près de la Moïka, des autos filent, rapides, occupés par des miliciens et des soldats. Ils ont remplacé les fusils et les mitrailleuses de ces derniers jours par des paquets d’imprimés qu’ils distribuent au vol, à travers la ville. Les blancs messagers tournoient, un moment au-dessus des têtes. Les bras se tendent pour les saisir ou, lorsqu’ils viennent s’échouer sur le sol comme des oiseaux blessés, la foule se jette en bousculade sur la neige et les couvre de son corps, tant elle en est avide. C’est qu’ils sont, ces imprimés, les seuls porteurs de nouvelles, les grands journaux n’ayant pas encore repris leur publication. Celui-ci, dont nous avons réussi à nous emparer, est le n° 9 d’Isvestia (Les Nouvelles), organe du parti des ouvriers