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LA RÉVOLUTION RUSSE

des Équipages de la Garde, à l’angle du canal. Et tout le monde d’y courir… Au dernier accord, applaudissements, hourrahs, tout l’enthousiasme d’une foule ivre de sa jeune liberté !

Nous sommes en pleine lune de miel du Peuple et de la Révolution…

La joie de vivre, éparse dans l’air nouveau, nous entraîne. Nous longeons le canal Krionkov pour atteindre celui de la Moïka. Des curieux stationnent autour de la prison incendiée. L’église, dont nous avons vu évacuer les ornements précieux, est l’objet d’un véritable pèlerinage. Dans la cour d’une maison voisine, des soldats passent en revue un tas de couvertures brunes qu’on a jetées là. Les gamins du quartier jouent autour des piquets de tente, confectionnés par les prisonniers et qu’on a sauvés, puis amoncelés aux abords de la prison. Plus loin, devant les Archives de la police, les papiers brûlés, d’où quelques petites flammes et de la fumée s’échappent encore, forment un rempart calciné dans lequel des moujiks portent sans se presser la pioche et la pelle. Des fils de fer arrachés pendent lamentablement le long des