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LA RÉVOLUTION RUSSE

passe, conduit par un paysan. Les planches du fond disparaissent sous une couche de paille. La douga bariolée, rouge, jaune, verte et bleue, à dessins barbares, arrondit son arc au-dessus du cou du cheval. Comme tant d’autres, il a dû arriver à Pétrograd, retentissant de grelots et pavoisé de rubans, pour la « semaine du beurre[1] ». Attardé, il s’est trouvé pris par la révolution. Maintenant, il s’en retourne au village, et j’imagine l’accueil que les paysans avides de nouvelles lui feront au retour !

Comme la rue est vive, animée ! Les promeneurs débordent des trottoirs pour se répandre sur la chaussée où le charroi est encore peu intense. Les fripiers tatares, leur enveloppe de toile ou de lustrine sous le bras, se remettent à errer, l’oreille tendue au moindre appel ; les jeunes garçons de boutique traînent par une ficelle passée sur leur épaule le petit traîneau familier ; des employés, — des tchinovniks, — reprennent le

  1. Les jours gras, qui se sont termines cette année le 20 février. C’est l’habitude des villageois des environs de Pétrograd, ainsi que des Finnois, de venir à cette époque dans la capitale avec leurs traîneaux pour gagner un peu d’argent en promenant les citadins.