Page:Markovitch - La Révolution russe vue par une Française, 1918.djvu/75

Cette page a été validée par deux contributeurs.
71
UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

teau, et sans lumière, nous nous dirigeons, à deux, vers la cachette mystérieuse. Une troisième fait le guet devant la porte de l’appartement. Ah ! le bruit effrayant de la clé qui grince dans la serrure ! de la porte qui tourne sur ses gonds ! Un temps d’arrêt… Tout retombe au silence… Mlle Reine entre… À tâtons, — et il semble qu’elle ait des yeux au bout des doigts ! — elle prend, ici de la farine ; là, du beurre fondu ; ailleurs le riz, la semoule ou les haricots… Nous recevons le tout de ses mains que les nôtres cherchent dans l’obscurité… Hier soir grand effroi !… La porte de la rue s’ouvre livrant passage à une femme et à deux soldats… Vite, nous disparaissons dans l’ombre propice de la cellule, en tirant la porte après nous… Nos genoux tremblent… notre cœur bat à grands coups… Des voix, puis des pas se font entendre sur l’escalier, juste au-dessus de nos têtes… et de nouveau, le silence… Le danger passé nous repoussons la porte avec précaution et remontons vers l’appartement… Mais ces expéditions nocturnes sont plus lassantes qu’une longue course : nous nous en souviendrons longtemps !…