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LA RÉVOLUTION RUSSE

voisins — qui profitent du calme relatif pour traverser la rue et venir échanger avec nous quelques propos. C’est aussi l’heure où nous ravitaillons le garde-manger. Grâce à une longue et sage prévoyance, nous avons pu amasser quelques provisions. Elles sont enfermées dans une espèce de cellule placée sous l’escalier et qui prend jour sur la cour. Mlle Reine, particulièrement préposée à sa surveillance, en perd le repos. À chaque intrusion de foule ou de soldats dans la cour, elle tremble que la malencontreuse fenêtre ne trahisse tout ! Aussi l’a-t-elle soigneusement aveuglée avec des bouts de planche et des débris de journaux. Que deviendrions-nous, en cas de pillage, avec cinq femmes malades ou anémiées et un enfant dans la maison !…

Lorsque minuit, a sonné son dernier coup ; lorsque toutes portes sont closes et toutes lumières éteintes à tous les étages de la maison, le grand et difficile travail du ravitaillement commence. Vêtues comme si nous nous disposions à sortir — en prévision d’une rencontre inopinée dans l’escalier — ; munies d’un sac à provisions dissimulé sous le man-