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PRÉLUDE

menaçante. Non que la Russie manquât des aliments nécessaires à sa subsistance, mais l’impéritie gouvernementale, le système de la vziatka (pots-de-vin) arrivé à son apogée, l’avidité insatiable des accapareurs et de probables connivences avec l’ennemi entravaient le ravitaillement. Par des froids qui atteignirent 32 degrés Réaumur au-dessous de zéro, les femmes du peuple, les petites bourgeoises, les domestiques des grandes maisons faisaient la queue, de trois heures après minuit à neuf heures du matin, à la porte des boulangeries ou des magasins de sucre et de thé. Les dernières venues s’en retournaient les mains vides. Malgré leurs salaires, très élevés depuis la guerre, il n’était pas rare qu’en rentrant chez eux les ouvriers se trouvassent sans pain. Les denrées les plus indispensables atteignaient des prix exorbitants. La petite mesure courante de pommes de terre qui, avant la guerre, se payait 15 kopeks (0 fr. 35) était vendue 1 rouble 20 k. (2 fr. 10), le beurre 3 r. 20 le fount, soit 16 francs le kilo. Même hausse exorbitante des prix dans les articles d’habillement. Les bottes, si indispensables dans ces pays de neiges profondes,