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LA RÉVOLUTION RUSSE

Près de la caserne de la Baltique nous avons trouvé de larges traînées de sang.

Le nombre des soldats, l’affluence du peuple augmentent, à mesure que nous approchons de la Douma. Autour du Palais, ce n’est plus une cohue, c’est une multitude : têtes de Christ à barbes blondes ou rousses des moujiks, figures rasées des soldats, crasseuses touloupes de peau, pelisses de fourrures, bonnets à longs poils, ou casquettes d’étudiants, tout cela ondule, houle ou tangue, comme une mer ! Le jardin est envahi, on piétine dans la neige durcie et salie ; les propos les plus divers se croisent ; un soldat crie : « À bas Nicolas ! » Un autre : « Vive la République ! Qu’on nous donne un autre empereur ! » Et, assurément le brave soldat-paysan ne s’aperçoit pas de la contradiction !…


Alexandre Féodorovitch Kérensky est l’homme du jour. Il appartient au parti des troudoviki (travaillistes) dont il est le chef incontesté. C’est un homme jeune, svelte. Sa figure rasée lui donne un air vaguement américain. Orateur éloquent, il est en outre doué