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LA RÉVOLUTION RUSSE

semaines[1]. Peu sûrs de la valeur du « papier » après la guerre, les « nouveaux riches » se hâtaient de le monnayer en jouissances immédiates. Ils éclaboussaient le peuple de leur luxe insolent et parfois criminel. Jamais on n’avait vu tant d’autos circuler dans les rues, de diamants scintiller sur les épaules des femmes. Les théâtres regorgeaient de spectateurs. Dans les restaurants à la mode s’étalait une orgie incessante. Une bouteille de champagne se payait 100 roubles (200 fr.) et on s’amusait à le faire couler à flots. Afin de parer aux inconvénients de la loi contre l’usage de l’alcool, les grands restaurateurs avaient des « hommes de paille », chargés de subir à leur place les mois de prison. Le procès Manassiévitch-Manouilov avait été un scandale public. On vivait dans une atmosphère de lucre et de trahison.

Pendant ce temps, la famine s’annonçait

  1. En voici un exemple : un banquier bien connu à Pétrograd reçut, peu de temps avant la révolution, un télégramme d’un de ses parents le priant de faire en son nom un important achat d’autos. Il y était spécifié de ne pas regarder à la dépense, le gain réalisé par l’acheteur des autos au cours des deux dernières semaines ayant été de 7 millions de roubles ! (environ 15 millions de francs !)